Un déménagement en période de confinement
Samedi matin. Aujourd’hui nous déménageons. Un déménagement en période de confinement. Pour la première fois depuis le début du printemps, il pleut. A verse. Nous la regardons s’écouler le long des fenêtres pendant le petit-déjeuner. Des fraises et de la brioche. Une brioche de chez Alex Croquet, notre boulangerie préférée. Puis de grosses gouttes viennent s’écraser sur les cartons, sur les chaises, sur le matelas, pendant que nous les portons jusqu’à la camionnette.
Notre bail se termine lundi, et depuis quelques semaines, nous sommes propriétaires d’une maison dans l’Aveyron. Une maison où nous n’avons pas encore pu nous rendre. Nous avons retardé le déménagement. Le plus longtemps possible. Jusqu’à ce nous n’ayons plus le choix. Nous allons y déposer toutes nos affaires avant d’aller chez les parents de Fanny, à Figeac, dans le Lot. Fanny télétravaille, a besoin d’internet et nous ne l’avons pas encore.
Le départ
La camionnette part avec son chauffeur, un long périple nous attend. Une traversée de la France. Lille – Capdenac, 800 kilomètres. 800 kilomètres d’autoroutes pratiquement désertes. Nous n’avons pas de voiture, les agences de location sont fermées, alors c’est mon père qui nous y emmène. Nous sortons de Lille en quelques minutes à peine. Une fois passé Arras, les voitures se font rares. Ne restent plus que quelques camions, en provenance de toute l’Europe. Après une heure de route la pluie s’arrête, pour laisser place à un ciel bleu parcouru de gros nuages blancs. Il y a plus de circulation dans le ciel que sur les autoroutes françaises. Le ciel paraît bien plus grand vu depuis le pare-brise de la Mégane de mon père, que depuis la fenêtre de notre appartement lillois. Il défile. Il est libre, en mouvement, et non plus coincé derrière l’immeuble d’en face.
Sur la route
A chaque péage, les gendarmes demandent nos attestations. Ils n’ont pas de masque et nous leur parlons depuis la vitre entrouverte. D’où je suis, je ne vois pas leur visage. Ils ne sont que torses et bras en uniforme bleu. Nous nous arrêtons régulièrement sur les aires d’autoroute. Pour manger, pour boire un café. Elles sont désertes elles aussi. Les parties réservées aux voitures en tout cas. Sur les étendues d’herbes, sans personne pour leur marcher dessus, les fleurs ont poussé. Des marguerites et des pissenlits. Sans circulation sur l’autoroute, nous entendons le chant des oiseaux.
——
Voici ce le journal d’un déménagement en temps de confinement,
d’une traversé de la France sur des routes désertes :
Les photos ne sont pas encore développées, et je ne sais pas quand elles pourront l’être, en attendant, l’article est illustré avec d’anciennes photos. Ici notre porte d’entrée lilloise – printemps 2019
Au loin disparait
la rue Brûle-Maison
jour départ.
Les éoliennes
immobiles
dans le ciel gris.
Sur l’autoroute
une pie
et personne d’autre que nous.
George le caneton
sur les genoux
je traverse la France.
Sur le bord de la route
jaunes
les champs de colza.
Mon père au volant – hiver 2020
Pause-déjeuner
sur l’air d’autoroute aussi
le chant des oiseaux.
Sous le soleil
nous passons Paris,
Alice Cooper à la radio.
Une rose
tatouée sur le bras
le gendarme nous arrête.
Rouge et vert
le camion
Châteauroux.
Une aire d’autoroute sur la route d’Albertville – automne 2019
Déception
pas même une marre
aire des mille étangs.
Attendant les miettes
ils nous regardent
les moineaux.
Je m’endors
déjà 3 heures
depuis le dernier café.
Des insectes écrasés
partout sur le pare-brise
nous arrivons.
Le jardin des parents de Fanny, Figeac – été 2018
Bon voyage!
Merci beaucoup !