Le télétravail à Capdenac
C’est une fin de journée de la fin du mois d’août et le ciel est gris et nuageux. Toute la journée nous avons attendu une pluie qui n’est jamais venue. J’ai arrosé les plantes du jardin, les légumes du potager, et maintenant avec Fanny nous nourrissons les poissons dans la mare. Je mets le premier granulé entre mes doigts et le plonge dans l’eau en attendant qu’un poisson vienne le manger. Ils rappliquent tous en vitesse, me tournent autour de la main et l’un d’eux finit par venir le prendre. J’éparpille le reste un peu partout dans l’eau en regardant les poissons venir les gober. Ils ouvrent très grand la bouche très longtemps à l’avance. J’essaye de faire en sorte que chacun en mange à peu près le même nombre. Maxima semble enceinte. C’est le plus petit des cinq poissons mais c’est aussi le plus rond. Bientôt peut-être aurons-nous des bébés. Des bébés poissons que nous pourrons regarder nager dans la mare. Bientôt peut-être aurons-nous la certitude que Maxima est bien une femelle.
Les voisins écoutent la radio. Ils ont la fenêtre ouverte et nous entendons ce qu’ils écoutent. Les infos. Peut-être seront nous bientôt reconfinés. La Turquie continue ses recherches de gaz en Méditerranée et Navalny a été empoissonné parce qu’il est Russe et opposant. Le tour de France part de Nice samedi. Avec le coronavirus le Tour de France a lieu en septembre, alors en septembre encore ce sera l’été. Toutes ces news je les connais. Je les ai postées pendant ma journée de travail. Le même travail que j’ai quitté il y a trois mois. Mais maintenant je le fais en télétravail et pour des Allemands. Des Allemands de Berlin. Des Allemands de Berlin que je n’ai jamais vus. Nous nous parlons depuis le derrière de nos écrans, depuis nos mondes bien à nous, sans savoir à quoi nous pouvons ressembler. Parfois j’essaye de me les imaginer. Je leur créer des visages. Des visages d’Allemands.
J’ai trouvé ce travail sans vraiment le chercher. Il m’est presque tombé dessus, comme parfois un billet se retrouve à nos pieds dans la rues. Un petit billet. Disons un billet de 5 euros. On baisse la tête et il est là, alors on regarde discrètement autours de nous, on le ramasse et on le range au chaud dans notre poche, où l’on peut le sentir tout contre notre jambe. Ca tombait bien parce que je n’avais presque plus d’argent. Nous avons fait des travaux dans notre maison de Capdenac. Notre maison de ville à la campagne. Notre future maison d’hôtes. Le Relais du Chien Bleu. Je suis très content de ce nom. A chaque fois que je l’entends, ou alors que j’y pense, des chiens bleus défilent dans ma tête. Ils courent, se roulent par tête et tirent la langue. Me regardent, assis sur le derrière. Remuent de la queue. S’allongent à mes pieds. Tout ça en étant bleus. Tous tout bleu. Et puis je suis à mi-temps. 20 heures par semaine. Je travaille moins qu’avant pour gagner plus. Je me demande ce qu’en penserait Sarkozy. Pas grand chose j’imagine. Je ne fais pas partie des gens qui l’intéressent. Ceux qui l’intéressent ce sont plutôt les grands patrons. Les gens fortunés. Pas ceux qui ont pour ambition de vivre paisiblement. Qu’est ce qu’il pourrait bien y gagner ?
Parfois, pendant ma journée de travail, je prends une pause et je vais boire un café sur la table de jardin.
“A minuit ce ne sera plus ton anniversaire. Profite pendant que tu peux”. “Oui mais j’ai treize ans quand même !”. Les filles des voisins discutent sur leur balcon. Les poissons ont bientôt terminé leur repas et nous allons passer au nôtre. Après manger je lirai dans le jardin avec un verre de vin. Un verre de vin de noix qu’a préparé Fanny. J’irai m’asseoir sous l’arbre, sur cette chaise pliable que j’ai trouvée aujourd’hui dans la maison. Au dessus de la cuve à fioul. C’est une chaise en tissu, comme celles sur lesquelles les vieilles personnes s’installent à la plage. Rouge. Avec dessus de grosses fleurs blanches et jaunes. Parfois entre deux pages je m’arrêterai pour regarder les fleurs du jardin se balancer dans un courant d’air, l’arbre être immobile, les hirondelles filer en groupe dans le ciel, ou alors le soleil aller doucement se coucher au loin. Ou alors peut-être que j’écrirai une nouvelle. Celle-ci par exemple. Ou alors peut-être encore que je ferai les deux. Puis j’irai dormir. Tôt. Pas trop tard en tout cas. Demain matin il faut se lever. Travailler à nouveau. En télétravail. Discuter à distance avec des Allemands sans visage.
Peut-être au moins demain y aura-t-il du soleil. Alors pendant mes pauses c’est au soleil que je boirai mon café.
Jadoooore !!!! Merci merci tu me donnes envie d’écrire toutes ces choses simples mais si belles que l’on vit mais qu’on ne sait pas regarder !!!
6 ans que je travaille à plein temps en télétravail ! Ces derniers temps on faisait de la visio en teams pour se voir c’était sympa. Tu devrais essayer avec tes Allemands de Berlin 😉
6 ans mais il ne reste plus que 4,5 semaines. 4,5 semaines pour clôturer cette vie qui ne me convient plus. Rupture conventionnelle hop fini le salariat ! Je me l’a ce dans l’inconnu de l’entreprenariat. Je vais vendre du bonheur nature !
Guide de bain de forêt voilà ce que je commence à devenir. Caliner des arbres mais pas que, respirer, sentir, regarder, communiquer avec eux. Prendre le temps et créer du bien être autour de moi. Une idée me vient : et si je lisais aux gens qqs lignes de ce que tu écris Axel ? Je m’y vois déjà à la fin d’une séance ramener les gens dans leur quotidien en leur montrant que celui ci peut être beau ( bon ok tout le monde n’a pas la chance de vivre avec une aussi belle chaise en tissu que la tienne 😉 ) Va savoir ?
À bientôt ici où sur insta vos photos me régalent la rétine !
Et ça nous fait toujours plaisir de lire tes commentaires, vraiment !